Par des membres des think tanks Argo, Bouger les lignes, Foraus et le Groupe du Vendredi.
Avec plus de 57% d’abstention électorale en 2014, et jusqu’à 73% chez les jeunes en France, les élections européennes n’ont jamais suscité d’intérêt. Nous sommes néanmoins convaincus qu’une partie importante de notre avenir commun se joue au niveau de l’Union européenne, aujourd’hui plus que jamais.
Nous sommes membres de quatre groupes de réflexion européens de nationalités, de catégories socioprofessionnelles et de sensibilités politiques différentes. Mais nous sommes unis par l’importance que nous attachons au projet européen. Nous avons décidé de prendre la plume à l’approche d’échéances électorales que nous considérons cruciales.
Ce manifeste n’a pas vocation à couvrir l’ensemble des actions au niveau européen. Il cherche plutôt à démontrer notre capacité, en tant que jeunes Européens, à réfléchir ensemble et à proposer des solutions collectives au-delà de toute préoccupation partisane. Nous avons réfléchi ensemble et sélectionné les propositions par un vote transparent au sein de nos différents groupes.
Loin du discours ambiant profondément pessimiste, toujours critique sur le projet européen, ce manifeste plaide en faveur d’une vision constructive, positive et concrète de l’Union européenne et de ce qui peut être fait pour la préserver.
- Un échange scolaire pour tous les lycéens européens
Afin de renforcer l’intégration européenne chez les jeunes, nous proposons que chaque jeune européen puisse bénéficier d’un échange scolaire dans un autre pays avant de quitter l’école, c’est-à-dire au plus tard à l’âge de 16 ans.
- Une fonction publique européenne obligatoire pour tous les jeunes Européens
Nous sommes en faveur d’un service européen, obligatoire, civique et solidaire. Il serait soutenu financièrement par l’Union européenne. Il réunirait des jeunes de plus de 18 ans issus de différents pays pour mener des actions d’intérêt commun dans les domaines de l’éducation, de l’intégration sociale, des services et soins de santé, ou encore de l’environnement et de la protection de la nature.
Il s’agirait d’un formidable levier d’intégration sociale, renforçant les échanges culturels et la conscience d’une appartenance commune.
- Un contrôle plus fort du Parlement européen sur le budget européen
Au niveau européen, la durée du mandat du Parlement et celle du cadre financier pluriannuel de l’UE ne coïncident pas. Cela signifie qu’à chaque élection européenne, le nouveau parlement hérite des priorités politiques et budgétaires décidées par le précédent parlement.
Pour renforcer le contrôle démocratique des dépenses de l’Union, nous proposons de resynchroniser ces deux cycles – politique et budgétaire. Toute élection européenne devrait donc aller de pair avec l’adoption d’un nouveau budget pluriannuel. Cela contribuerait non seulement à clarifier les procédures aux yeux des citoyens et renforcerait les leviers du Parlement démocratiquement élu.
- Une taxe européenne sur les transactions financières pour financer de nouvelles polices
Nous proposons une taxe européenne sur les transactions financières pour réduire la volatilité des marchés financiers. Ce serait une première étape utile pour une intégration fiscale européenne, qui viendrait apporter de nouvelles ressources pour financer des politiques communes.
L’idée a déjà fait l’objet de débats animés au sein de l’Union européenne et des négociations sont en cours depuis 2010. En 2013, la Commission européenne a présenté une proposition reprise dans le cadre d’une coopération renforcée de onze États membres. Cette taxe pourrait rapporter de 30 à 35 milliards d’euros. Malgré les efforts consentis, les négociations sur cette proposition sont quasiment au point mort.
La France et l’Allemagne ont récemment présenté une proposition d’imposition de la zone euro, basée sur ce modèle français, qui contribuerait au budget proposé pour la zone euro. L’adoption d’une telle taxe européenne sur les transactions financières par les 19 pays de la zone euro constituerait un progrès indéniable.
Nous pensons qu’une approche plus ambitieuse est possible, grâce à une taxe dotée d’une assiette plus large générant une recette plus élevée, qui pourrait fournir la base d’un budget de la zone euro, notamment sa fonction de stabilisation, ou des politiques visant à promouvoir l’investissement et la compétitivité des États membres dans l’Union.
- Un service européen pour l’emploi et la mobilité
En 2017, moins de 4% des citoyens européens en âge de travailler (20 à 64 ans) ont déjà vécu dans un autre État membre. L’introduction d’un Service européen multilingue pour l’emploi et la mobilité, via un portail en ligne, augmenterait le taux d’emploi des États membres et favoriserait l’intégration des marchés nationaux de l’emploi. Ce portail permettrait d’interconnecter les offres d’emploi proposées par les services publics de l’emploi nationaux. Il proposerait des outils permettant de surmonter les obstacles pratiques à la mobilité transfrontalière (tels que l’apprentissage de la langue, les démarches sociales et fiscales).
- Une stratégie de défense européenne
L’absence de stratégie de défense commune est le talon d’Achille de l’Europe au XXIe siècle. Afin de parvenir à un consensus sur un cadre stratégique, nous proposons d’élaborer un document commun de stratégie de défense, fondé sur des consultations régionales. L
Nous proposons également de développer davantage d’outils pour inciter les industries à s’organiser ensemble, de manière à constituer une véritable base industrielle de défense européenne. Une législation «Buy European» serait un catalyseur clé. Nous proposons également d’établir une véritable assistance mutuelle, opérationnelle et financière : chaque fois qu’une crise menaçant des intérêts stratégiques, la réponse à cette crise devrait bénéficier d’un financement commun plus fort via une opération nationale ou multilatérale. Tous les pays participeraient donc à la défense de la région, que ce soit par le biais de financements, de leurs capacités militaires ou de leurs outils de soft power.
- Un service européen d’asile et une cour européenne d’asile
Le statut des demandeurs d’asile est en partie harmonisé au niveau de l’UE, mais la récente crise migratoire a révélé de fortes disparités entre les États membres en ce qui concerne le traitement des demandeurs d’asile de pays tiers. Nous recommandons par conséquent d’aller plus loin dans la mise en place d’un système européen d’asile et d’une cour européenne d’asile pour garantir un système égal et équitable dans toute l’UE.
Nous proposons qu’une politique d’asile européenne unique soit appliquée dans toute l’UE, comprenant la définition d’un statut d’asile européen et un dispositif de gestion des migrants et des demandeurs d’asile extra-européens.
L’accueil et la répartition des migrants et des réfugiés seraient organisée de manière groupée, sur la base de ressources financières dédiées. L’objectif : que les migrants et demandeurs d’asile reçoivent le même traitement, quel que soit le pays dans lequel ils arrivent et s’installent.
Une première étape passerait par une plus forte uniformisation des durées de procédures et la reconnaissance paneuropéenne du statut afin d’éviter les doubles demandes deux États membres différents.
- Un congé de paternité d’un mois au niveau de l’UE
La Commission propose d’introduire un congé de paternité minimum de 10 jours dans tous les États membres de l’UE. Cela ne va pas assez loin et ne permet pas aux pères d’acquérir les compétences qui leur permettront d’assumer le rôle. Nous proposons d’introduire un congé de paternité obligatoire minimum d’un mois. Cette réforme améliorerait l’égalité entre les parents dans la répartition des rôles au sein de la famille. Simultanément, cela favoriserait l’accès des femmes au marché du travail.
- Un concours d’émissions de télévision et de médias européens sur la politique de l’UE
L’Europe est très sous-représentée dans les médias nationaux. Nous proposons d’organiser un concours d’émissions de télévision européennes consacrées à la politique européenne, inspiré de l’Eurovision. Les émissions lauréates seraient diffusées dans tous les États membres sur les chaînes publiques.
Ces émissions pourraient tout aussi bien être des documentaires, que des séries télévisées ou des émissions d’actualité. Elles viendraient renforcer l’intégration culturelle, la connaissance de l’Union européenne et de ses défis. Cela permettrait également d’encourager la création audiovisuelle européenne.
- La BEI en tant que banque européenne du climat
La Banque européenne d’investissement manque actuellement de transparence et son impact social et environnemental reste limité. Nous proposons de transformer la BEI en une banque européenne pour le climat et le long terme. Cela apporterait à la fois plus de transparence et un impact plus important sur l’environnement. La BEI investirait principalement dans des projets durables destinés à soutenir la transition énergétique, climatique, agricole et écologique.
Elle pourrait s’engager dans une politique monétaire verte, en achetant des obligations vertes souveraines ou d’entreprises.
Europe
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